Histoire, démographie, fracture Ouest-Est et "métropolisation" en Bretagne

Publié le par UDB-Saint-Herblain Loire Erdre

Evolution 150 ans Ollivro

La carte ci-dessus, due au géographe Jean Ollivro, est de nature à apporter un peu de clarté dans les débats confus qui s'entrecroisent en ce moment en Bretagne, notamment sur une fracture territoriale entre l'ouest et l'est de la péninsule et les menaces associées à la "métropolisation" de la Haute-Bretagne.

Elle a le mérite de combiner le constat et une dimension historique importante pour en comprendre la genèse : elle montre en effet l'évolution de la population des communes bretonnes entre le milieu du XIXème siècle et la fin du XXème.  Que nous dit-elle en substance ?

Éléments du constat :

     . il bien une fracture démographique mais, plus que l'ouest et l'est, elle sépare la partie rurale intérieure de la péninsule de ses parties urbaines ou touristiques littorales (surtout sud) et orientales.

     . les aires urbaines de Nantes et de Rennes sont toujours nettement détachées, comme le confirmeront tous les automobilistes qui circulent entre les deux agglomérations, lesquelles se densifient néanmoins et s'élargissent, mais pas principalement l'une vers l'autre. L'urbanisation est sensiblement plus continue entre Quimper et Nantes, où le bâti gagne en épaisseur, et sur les routes de Rennes à Vannes, Lorient et Saint-Malo.

Éléments d'interprétation :

     Plijidi_demographie-1800-2008-rouge-copie-1.jpg. la carte confirme ainsi la responsabilité prédominante de l'exode rural entre 1860 et 1960 dans la dépression démographique actuelle de la Bretagne rurale, surtout quand on la rapproche elle-même de la courbe démographique des communes les plus touchées par cette émigration, comme celle de Plésidy ci-contre, et de quelques connaissances agro-socio-historiques  qu'on n'a pas forcément toujours en tête : la décroissance puis l'effondrement de la population après la dernière guerre fait suite à cet exode qui a frappé la commune à partir de 1860, mais qui est resté statistiquement invisible pendant 80 ans, parce que les départs étaient compensés par de nombreuses naissances, et par l'allongement de la durée de la vie qui en a elle-même occulté la décroissance étalée sur quatre générations. Mais les vieux nous quittent un jour, et ceux qui restent n'ont pas d'enfant, et c'est l'effondrement démographique, constaté par le CELIB dans les années 1950 et dont la Bretagne rurale ne s'est toujours pas relevée.

     . la carte montre aussi indirectement que, contrairement à ce qui s'est passé dans la plupart des régions d'Europe, les villes bretonnes (de toutes tailles) n'ont pas profité démographiquement de cet exode rural, que le train centralisé - généralisé à partir de 1860 - a orienté en particulier vers la région parisienne. C'est ce qui explique à la fois la croissance sans équivalent en Europe de cette dernière et la faible taille des grandes et moyennes villes bretonnes (et françaises) comparativement à leurs homologues européennes. Sans l'évacuation extérieure de notre "excédent rural1", la Bretagne compterait probablement aujourd'hui autour de 6 millions d'habitants, et ses villes auraient chacune deux ou trois fois plus d'habitants.

A cette échelle de distorsion entre le réel observable aujourd'hui et le crédible potentiel d'avant-hier, les discours sur l'équilibre historique harmonieux de nos villes moyennes et la nocivité gourmande de nos grandes villes ne peuvent que prêter à sourire, même si les préoccupations qui les inspirent sont videmment respectables et ne doivent pas être perdues de vue. On ne va tout de même pas faire l'éloge de l'émigration ?

Evolution communale 1999-2006Il reste en effet que les grandes villes bretonnes ne sont que très marginalement les bénéficiaires ou les causes de la dépression démographique de la Bretagne rurale, dont on peut même dire qu'elles sont aussi les victimes, tout comme la densité de nos échanges internes et externes.
Quant à en faire un écran entre la Basse-Bretagne et une Île-de-France qui prélèvera bientôt le tiers des ressources annuelles françaises2, on pourrait plus utilement regretter qu'elles ne l'aient pas été et ne le soient pas davantage !

MF.

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(1) - Les enfants restant plus nombreux en vie, les anciens plus longtemps et le "chaulage" ayant notablement amélioré la productivité des sols, les bras ruraux n'étaient plus aussi indispensables aux petites exploitations de l'époque.

(2) - Nous en sommes autour de 30 %, contre 27 % il y a une trentaine d'années.

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Illustration du bas : la croissance des populations communales entre 1999 et 2006 montre que les grandes tendances dégagées par la carte du haut sur 150 ans produisent toujours leurs effets. Les zones, y compris littorales, les moins touchées par l'émigration et/ou ayant trouvé ou retrouvé depuis un rôle de carrefour  sont celles qui attirent des migrants et/ou connaissent un accroissement naturel important.

Publié dans Territoires

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